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Dolt Tower.

Cette fois, nous sommes de nouveau à Sickle ledge au lever du jour, avec un moral regonflé. La vire se poursuit par une longueur facile, qui sera la seule de la voie. L'escalade utilise ensuite un système de fissures, dit Stoveleg cracks, en référence aux pitons bricolés par la circonstance par Harding, à base de pieds de réchauds, pour résoudre le problème de la protection des fissures larges. A voir le nombre de gros Camalots de taille supérieure (équivalents à des Friends numéro 5) coincés à demeure, malgré l'énorme progrès du matériel, le problème n'a pas entièrement perdu de sa difficulté. L'escalade en fissure à coincements demande une technique bien spécifique, dont c'est un euphémisme de dire qu'elle est plutôt peu agréable, le niveau de douleur semblant augmenter avec la largeur de la fissure. Les fissures à doigts offrent des prises à peu près familières, tandis que celles à poings font si mal que tenir des coincements par ailleurs solides demande une capacité inhabituelle à supporter la souffrance. Le rocher est certes si solide que nous n'avons au cours de l'ascension pas même ébranlé une petite pierre, mais contrairement au granit trouvé par exemple à Chamonix, il est désespérément lisse, et en l'absence de prises et d'adhérence, il n'y a guère d'autre choix que de tenter de se coincer douloureusement dans les fissures yosemitiques.

En fait, ce jour l'escalade elle-même est assez directe, à l'exception de deux pendules au début, et c'est surtout les tâches annexes qui finissent par consommer notre temps et notre énergie, et mettre notre patience (particulièrement celle de Frank, mais je finis aussi par craquer) à rude épreuve. Et encore sommes nous équipés de toute la technologie moderne et n'avons pas à utiliser des prussiks et des rappels à l'épaule. Comme on pouvait s'y attendre, c'est au cours de cette première journée de progression avec les sacs que cela a été particulièrement pénible, ce qui ne signifie pas cependant que nous n'ayons pas eu de problèmes par la suite. Dès la seconde longueur, je commets l'erreur de croiser les cordes d'assurage et de hissage. Emmêlement garanti. A la longueur suivante, qui comporte un pendule, je ne peux rester derrière le sac, qui se trouve nettement à ma droite. Une fois que je suis arrivé au relais, nous constatons qu'il est impossible de remonter le sac. Je dois redescendre en rappel pour le décoincer, et constater qu'une toute petite avancée d'une vingtaine de centimètres a suffi pour le bloquer. A c'est à présent ma corde qui fait des siennes en passant derrière une écaille très profonde et fine, et il me faut encore un quart d'heure pour m'en sortir. Le reste de la journée se passe heureusement mieux pour le sac, non pas qu'il ait décidé de ne plus se coincer, bien au contraire, mais la voie est à présent suffisament rectiligne pour qu'il suffise d'attendre le coup de main du second. Pour ce dernier, c'est loin d'être une partie de plaisir. Que celui qui imagine que remonter aux jumars est quelque chose qui va tout seul se détrompe: dans les systèmes de fissures auxquels nous sommes aujourd'hui confrontés, la boucle qui pend lorsque l'on remonte aux jumars ne demande qu'à s'accrocher quelque part. Il faut alors remonter la corde avec soi, au fur et à mesure que l'on progresse, ce qui rend la remontée sur corde fixe particulièrement pénible. En effet, lorsque le poids de la boucle de corde qui pend sous le jumar n'est pas suffisant (ce qui arrive systématiquement au départ du relais, par exemple), celui-ci ne coulisse pas bien du tout. Comme il est imprudent de ne faire confiance qu'à ses jumars, vu que la corde peut très bien sortir de ceux-ci dans certaines circonstances, il faut de toutes manières périodiquement s'attacher à mi-corde, ce qui aussitôt relance le problème du coulissement. Si la remontée s'effectue dans une dalle, cela va encore, mais ajoutons à présent un dièdre ou une cheminée, et cela commence à devenir infernal. Sans compter les situations où la corde est en tension contre le rocher, empêchant de faire glisser le jumar supérieur, ou encore les remontées de passages même légèrement obliques dont le déséquipement demande de négocier un petit pendule puis de transferer la tension pour passer l'ancrage, puis le récupérer. De plus, comme le premier de cordée s'est pendu de tout son poids sur tous les points, la récupération des bicoins, et de certains friends bizarrement posés demande souvent beaucoup d'énergie et de patience. Arrivés à Dolt Tower, nous en avons franchement marre, d'autant plus que nous nous étions levés à 3 heures et demi du matin, et comme il commence à faire sombre, nous décidons que c'est assez pour la journée.

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